9.12.15

Episode 72: Un ami qui vous veut du bien


"Allez, pousse, plus fort!
-Mais c'est impossible!! Ça me fait tellement mal!
-C'est normal, mais tu dois poursuivre tes efforts! Allez un peu de courage, tu peux le faire!
-Aaaaah!!"

C'était en pleine nuit que l'enfant de Lily et Kairos avait décidé de pointé le bout de son nez. L'accouchement s'avérait difficile, car il se trouvait que le bébé avait dépassé le terme et se trouvait légèrement plus gros que la normale, ce qui faisait qu'il avait un peu de mal à passer. Kâli avait été sur le point de déclencher manuellement la naissance, lorsque Lily avait ressenti les premières contractions.

"Encore un effort, un tout petit peu! Je vois la tête qui passe, dans quelques instants tout sera fini! Pousse!"




Ni Târâ, ni Akin n'avait pu rejoindre Kâli dans la chambre où se déroulaient les événements, si bien qu'ils s'étaient retrouvés tous les deux dehors, sans pouvoir aider. Seul Kairos avait été autorisé à entrer dans la pièce, et encore, à condition qu'il ne gêne pas ses manipulations.

"Bizarre hein, de se retrouver dehors sans rien pouvoir faire... fit Akin à l'intention de la jeune femme.
-Ouais..."

Elle n'avait pas spécialement envie de lui parler, après tout ce qu'elle l'avait vu faire avec sa soeur, mais le jeune homme continuait gaiement de bavarder, sans se laisser impressionner par sa froideur, comme l'avait pu être Lily.

"Viens, on a qu'à aller prendre le petit-déjeuner, ça nous occupera, qu'en dis-tu?"

Il entra à l'intérieur, et Târâ le suivit en haussant les épaules.


Ce ne fut que plus tard dans la matinée, que Lily descendit dans la salle de séjour, avec le bébé dans les bras.

Ika s'exclama qu'il était magnifique, et accourut dans la direction de sa belle-fille pour la prendre dans ses bras. Tout s'était bien passé, et Kâli déclara que la mère comme l'enfant était en bonne santé.

"C'est un garçon! annonça Lily. Avec Kairos, nous avons décidé de l'appeler Cosmos...
-Ce sera notre petite étoile! fit Ika toute chamboulée d'être grand-mère.
-Plutôt un cosmos comme les fleurs... corrigea la jeune maman.
-Eh bien, cela me va aussi!"

Kairos entra dans la pièce, une bouteille de nectar à la main.

"Il faut fêter cela dignement!"


Kâli et Akin profitèrent de la petite fête improvisée pour s'échapper discrètement à l'extérieur du village, loin de l'euphorie. La jeune femme se sentait fatiguée, la nuit avait été longue et cela avait été son premier accouchement. Heureusement, tout s'était déroulé pour le mieux, et elle en était heureuse.

Akin l'embrassa sans faire attention aux passants près d'eux. Ils n'avaient plus peur de se montrer à présent, ils voulaient au contraire montrer leur amour à tout le monde.

"Allons nous promener, cela te fera du bien!
-D'accord, je te suivrai où que tu iras de toute façon..."

Il lui prit la main, et ils se dirigèrent vers les hauteurs des steppes environnantes.


Lorsqu'ils se furent suffisamment éloignés, Kâli se laissa tomber dans les bras de son amant, et l'embrassa longuement.

"Quel engouement...! lui dit-il lorsqu'elle éloigna ses lèvres des siennes.
-Tu n'aimes pas?
-Tu plaisantes! J'adore ça, j'adore sentir ton corps contre le mien..."

Elle étouffa un petit rire, et il la souleva de terre tout en poursuivant cette étreinte qu'ils aimaient tant.

Il faisait si beau ce jour-là, que la température ne tarda pas à grimper.


Lorsque Akin la reposa au sol, elle se laissa tomber à genoux, et ils s'allongèrent tous les deux à même la terre. Leur baiser semblait vouloir s'éterniser, cependant, il fallait bien reprendre son souffle, et ils séparèrent un moment leurs lèvres, et profitèrent de ce moment pour s'observer l'un l'autre.

La passion qui s'était emparée d'eux ne semblait pas vouloir s'apaiser, quelque chose au fond d'eux, dans leur ventre, dans leur tête, et dans toutes les parties de leur corps les poussait à se donner tout entier l'un à l'autre.

"Akin... Ici...?
-Personne ne nous verra jamais..."

Kâli sembla réfléchir un moment, puis ferma les yeux et tendit ses lèvres à Akin, en signe d'acquiescement.


Pour elle, c'était la première fois. Elle n'en avait jamais vraiment parlé à Akin, mais il semblait connaître ses craintes et ses envies, et tout se passa bien pour elle. La jeune femme avait l'impression de découvrir un nouveau monde, de nouvelles possibilités auxquelles elle n'avait jamais songé.

Son amant lui avait assuré qu'il n'avait jamais connu d'autres femmes avant elle, et elle n'avait pas mis sa parole en doute: elle avait toujours eu l'impression qu'il était un homme doux et attentionné, et ce fait s'était confirmé cet après-midi quand ils s'étaient donné l'un à l'autre.

"Akin... Je t'aime!"

Il l'embrassa dans le cou, jusqu'à atteindre son oreille, où il lui chuchota:

"Moi aussi je t'aime!"


A leur retour à la maison, Târâ jouait de sa harpe. Kâli les laissa seuls un moment dans le jardin, elle avait besoin de prendre une douche pour se rafraîchir.

Attiré par les notes de musique, Akin se mit à danser au son des notes de musique.

La jeune femme lui jeta un coup d'oeil dubitatif. Personne n'avait jamais vraiment danser sur sa musique, et encore moins ouvertement... Mais pourquoi ne parvenait-elle pas à s'énerver contre lui comme elle l'aurait fait pour n'importe qui d'autre? Akin... cet homme qui allait lui voler sa soeur. Elle en était certaine, ces deux-là s'aimaient, et inévitablement, ils finiraient par s'unir.


Kairos berçait son fils dans ses bras. Il avait eu raison, il s'agissait bien d'un garçon... Comme il était heureux! Il était certain que tout se passerait pour le mieux pour cet enfant. Il grandirait dans une grande famille, entouré de ses parents, de ses tantes, et même de ses grands-parents!

"Mon petit Cosmos... Tu as vu comme il fait beau dehors pour te souhaiter la bienvenue sur terre? Même les oiseaux chantent... Et cette jolie musique que tu entends dehors, c'est ta tante Târâ... Elle joue si bien tu ne trouves pas?"

Cosmos s'endormait lentement contre son père. Le petit garçon faisait bien son poids, et rien qu'à le regarder, on savait déjà qu'il s'était bien développé dans le ventre de sa mère.


Quand Târâ reposa son instrument, Akin l'applaudit. Elle se sentit légèrement gênée par cette marque d'attention, elle en avait perdu l'habitude. A force de la voir repousser les compliments, ses proches avaient fini par abandonner de lui donner toute marque d'encouragement pour sa musique. Au fond, elle s'en fichait, elle ne jouait pas pour les autres, mais bien pour elle-même...

"C'était vraiment très beau Târâ, je ne savais pas que tu jouais aussi bien! Les premières gammes que tu as faites étaient splendides...
-Tu... tu t'y connais en musique?
-Oh, un peu seulement. Ma mère jouait très bien elle aussi, et j'aimais l'écouter quand j'étais plus jeune.
-Ah, je vois..."

La jeune femme était perplexe. Jamais personne n'avais émis d'intérêt personnel pour la musique, il y avait seulement elle et son instrument.


"Tu... tu pourrais jouer toi aussi! lança-t-elle à tout hasard.
-Oh non! Je ne sais pas jouer, je sais seulement reconnaître les notes de musique à l'oreille...
-Oh..."

Târâ était légèrement déçue, et cela n'échappa pas à Akin. Elle se sentit rougir tout à coup, elle qui n'avait jamais laissé voir ses émotions, voilà qu'elle s'enflammait à propos de musique!

"Tant pis, ce n'est rien, ajouta-t-elle rapidement.
-Tu n'auras qu'à m'apprendre, un de ces jours, répondit-il simplement. Quand tout ira mieux..."

Quand tout ira mieux? Qu'entendait-il par là? Est-ce qu'on lui avait raconté des choses à son sujet...? Ses maux de tête? Ou bien... autre chose?


"Il est gentil, Akin... fit innocemment Târâ lors du dîner.
-Ah oui tu trouves aussi? répondit Kâli. je suis contente que tu l'apprécies! Il a ses défauts bien sûr, mais c'est vraiment un homme très affectueux, qui fait attention à l'autre...
-Oui, c'est vrai... Il fait attention aux autres."

Pas comme Lily, pensa-t-elle en son for intérieur. Pour elle, sa belle-soeur n'avait pensé qu'à se faire accepter, sans vraiment chercher à comprendre les autres. Pour le copain de Kâli, c'était différent... Lui aussi aimait la musique, ils avaient vraiment quelque chose à partager: il n'avait pas juste voulu lui lécher les bottes.


"Kâli, attends!"

Elle s'apprêtait à rejoindre son amant, lorsque Kairos l'attrapa par la main.

"Je voulais te remercier pour tout ce que tu as fait! Pour Lily, le bébé...
-Oh mais c'est normal. Je suis ravie de voir que tout va bien pour eux: c'est à toi d'en prendre soin à présent!
-Je ferai tout ce que je pourrai! Il est possible que nous déménagions bientôt dans notre propre case tu sais...
-Ce serait fantastique!
-Je suis simplement inquiet pour Târâ. Elle est si distante avec moi en ce moment...
-Oui je vois. Mais elle comprendra, on ne pourra pas tenir tous ici indéfiniment. Je lui parlerai le moment venu!
-Merci!"


Elle allait retrouver Târâ pour lui parler, mais Akin arriva au moment même et il l'attrapa dans ses bras.

"Qui est-ce?
-Akin! Ne me fais pas peur comme ça!
-Tu exagères, c'était une petite blague!
-Préviens quand tu arrives alors, espèce de chenapan!"

Il lui adressa un clin d'oeil avant de l'embrasser. Il semblait heureux de voir ses sentiments partagés, et surtout, de savoir que Kâli n'avait plus peur de les afficher en public. Pour lui, c'était le seul moyen de montrer que leur amour était sincère et véritable.


Partout dans la maison, ce n'était plus que couples et embrassades. Kâli et Akin, Lily et Kairos, Luhan et Ika... Et au milieu de tout cela, Târâ.

Târâ la solitaire, Târâ la seule... écrivait-elle inlassablement dans son carnet. Elle soupira en essayant de ne pas faire attention à ce qui se passait autour d'elle. Elle avait du mal à comprendre ce qu'elle ressentait. Parfois, une intense jalousie envers sa soeur et son frère, et une colère ineffaçable à l'encontre de Lily et de Akin.

Et pourtant, elle ne pouvait nier le fait qu'ils étaient tous les deux gentils à son égard, surtout Akin qui aimait sa musique, et rêvait peut-être d'apprendre lui aussi. Qu'attendait-elle de toutes ces personnes?

Qu'attendait-elle d'elle-même surtout? Et de la vie? Que pouvait-elle lui apporter, elle qui ne lui avait déjà pas donné l'intelligence et la vivacité d'esprit de son frère et sa soeur?


"Viens donc faire un tour! l'incita Akin. Tu restes toujours enfermée dans la maison, ce n'est pas bon. Il y a tant à vois dehors!
-J'avais l'habitude de me promener avec Kâli, mais elle est très occupée en ce moment."

Ils marchaient tranquillement entre les maisons du village. Il faisait beau, il y avait du soleil et pas un seul nuage. Le silence s'était naturellement imposé entre eux, et Akin marchait les mains dans le dos. Il s'était pris d'amitié pour la jeune femme marginale, et il aurait aimé la voir s'épanouir. Tout comme elle était la soeur de Kâli, il commençait à la considérer comme une petite soeur. Mais elle avait très peu confiance en elle, et restait si refermée sur elle-même, comment savoir ce qui pourrait l'aider à se sentir mieux, et à s'ouvrir à la vie?


"Tu crois que Kâli a terminé sa tournée? demanda-t-elle au bout d'un moment.
-Pourquoi? Tu t'ennuies en ma compagnie?
-Oh non! Oh non, ce n'est pas ça... C'est juste que... Tu serais peut-être mieux avec elle, et puis, si elle était rentrée on pourrait sortir un peu avec elle aussi. Il y a cette nouvelle partition de musique que j'ai composée, et que j'aimerais lui faire entendre... Elle a toujours aimé m'écouter, elle a toujours aimé ma musique, et pourtant, elle est incapable d'aligner des notes! J'ai pourtant essayé, mais c'est comme ça. Tout comme moi j'ai eu tant de difficultés à savoir parler, à écrire, et même à lire... Il y a des choses comme ça, on ne sait pas pourquoi... Excuse-moi, se reprit-elle en rougissant. Je ne voulais pas te raconter ma vie comme ça.
-Il n'y a pas de mal! lui assura-t-il en la raccompagnant au foyer."


Cosmos dormait paisiblement dans une petite balançoire de bois.

Ika était complètement amoureuse de son petit-fils, et elle passait le plus clair de son temps à le contempler.

"Et si tu le laissais un peu tranquille? remarqua Luhan en riant. Laisse-le se reposer!
-Mais je ne fais pas de bruit... A qui crois-tu qu'il va ressembler? Il est tellement mignon! Mon petit Cosmos...
-Il faudra attendre que ses cheveux poussent, dans quelques semaines, quelques mois... Sois patiente! Tu n'étais pas aussi impatiente pour nos propres enfants, je vais croire que tu ne les aimes pas!
-Ne dis pas de bêtises voyons! le gronda-t-elle en lui donnant une tape sur le torse."


Akin se montrait très entreprenant lorsqu'il était avec Kâli. Il commençait à avoir des envies de vie commune, mais la jeune femme s'y refusait pour l'instant.

"Pas maintenant mon chéri...
-Pourquoi pas?
-On est déjà à l'étroit à la maison, alors si tu venais...
-Mais pourquoi tu ne viendrais pas chez moi? Ou achetons notre propre hutte...
-Je ne peux pas. Kairos voudrait lui aussi partir du foyer, tu imagines si on laissait Târâ seule avec les parents? C'est impossible...
-J'imagine que tu as raison. Mais ne crois pas que ça va m'empêcher de profiter de toi comme je l'entends...!"


Târâ vidait son esprit sur les touches de son clavier. Elle ne pensait plus à ce qui l'entourait, elle avait l'impression qu'elle pouvait jouer les yeux fermés sans faire une seule erreur ou fausse note dans sa partition.

Kâli n'avait encore jamais entendu ce morceau, aussi resta-t-elle derrière sa soeur jusqu'à la fin, pour profiter de cette magnifique musique.

"C'est tellement beau Târâ, j'en ai les larmes aux yeux!
-Tu aimes c'est vrai?
-Oui! C'est si émouvant... Qu'est-ce que peut bien raconter cette musique?
-Oh ça... C'est selon chacun.
-Mais toi, qu'est-ce que tu y vois?
-Un jour peut-être, je te raconterais! fit-elle d'un air gêné en se remettant à jouer."


Kairos avait commencé à parler de ses projets de déménagement à Lily. La jeune femme en était toute heureuse, et elle sautilla sur place.

"Ce serait merveilleux si tu savais! Cosmos aurait sa propre chambre, et toi, tu aurais ton bureau pour travailler sur les affaires du village!
-Et on aurait une grande cuisine, n'est-ce pas?
-Oui! Et surtout, on aurait une cave pour stocker toutes tes bouteilles de nectar.
-Fantastique idée! Ce n'est pas pour tout de suite bien sûr, il y a encore tant de choses à régler...
-Evidemment. Mais j'attends de pouvoir partager mon foyer avec toi et toi seul, et notre enfant... Non pas que ta famille me dérange, mais nous sommes un peu à l'étroit.
-Je comprends mon ange..."


Kâli avait invité Akin à danser sur la musique de sa petite soeur. Le jeune homme ne s'était pas fait prié, et avait immédiatement accepté.

"Je pourrais écouter cette musique toute la journée, lui glissa-t-il.
-Je ne sais même pas comment elle fait pour jouer aussi bien. Mais quand je l'écoute jouer, j'ai l'impression... Je ne sais pas, on dirait qu'elle y déverser un peu d'elle-même, une part de son âme. C'est idiot n'est-ce pas?
-Ça ne l'est pas du tout, pourquoi? Seuls les vrais artistes peuvent jouer aussi bien, et peut-être que le secret de leur réussite se trouve là-dedans...
-Je me demande si... Si au fond, elle n'est pas malheureuse, soupira la jeune femme.
-Elle n'a pas l'air très heureuse de sa situation en tout cas, de ce que j'ai pu constaté en lui parlant.
-C'est bien ce que je me disais aussi..."


Effectivement, quand Târâ jouait, elle sentait qu'elle faisait bien plus que de produire des notes de musique. Elle sentait qu'elle s'y abandonnait pleinement, comme une femme pouvait s'abandonner dans les bras de son amant. Elle oubliait complètement tout ce qui l'entourait, et se sentait essoufflée en revenant à la réalité. Etait-ce que l'on ressentait lorsqu'on était amoureuse?

Chacune de ses compositions recelait un secret, une histoire qu'elle n'osait raconter à personne, pas même à sa propre soeur, la personne dont elle était le plus proche. Les notes de musique lui transperçaient le coeur. Les partitions l'emmenaient quelque part au-delà de la réalité. L'histoire de sa musique l'aidait à s'évader de cette vie dans laquelle elle se sentait à l'étroit...


Lorsqu'elle cessa de jouer, elle était seule dans la pièce. Tout le monde avait fini par aller se coucher, et Akin était rentré chez lui. Il était même probable que Kâli soit partie passer la nuit chez lui...

Târâ avait peur de monter la chambre, et de découvrir sa couchette vide.

Dehors, des milliers d'étoiles brillaient dans le ciel, au-dessus du volcan. Târâ se laissa tomber à genoux dans l'herbe, et des larmes perlèrent à ses yeux.

"Si seulement... si seulement j'avais un ami, moi aussi..."


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