2.1.16

Episode 82: Une mère d'adoption


"La la li... Tit tigre!"

Azalée grandissait au milieu de personnes qui l'aimaient et qui prenaient soin d'elle. Elle ne manquait jamais de rien, et Kâli était toujours là pour répondre au moindre de ses besoins. Cosmos lui avait donné quelques uns de ses anciens jouets, notamment un vieux tigre en bois qui appartenait à la famille depuis tellement d'années, qu'on avait du mal à savoir à qui il avait appartenu en premier. Malgré son ancienneté, tous les enfants aimaient jouer avec lui, et Azalée ne faisait pas exception à la règle.

Kâli était comme une mère pour elle. Très vite, elle avait accepté les devoirs du rôle de maman, et avait décidé de s'occuper de la fillette comme si elle était de sa chair. Elle avait abandonné ses vêtements pour quelque chose de plus léger et joyeux, elle avait décidé de couper un peu ses cheveux... Quelle maman aurait-elle été en traînant de vieux souvenirs avec elle?

La présence d'Azalée l'obligeait à se tourner vers l'avenir.



Elle avait cependant décidé de s'installer définitivement chez Kairos et Lily. Elle n'aurait pas supporté de se retrouver seule, et cela lui permettait de pouvoir s'absenter plus facilement lorsqu'un villageois avait besoin de ses services: il y avait toujours quelqu'un à la maison pour garder Azalée. On pouvait même faire confiance à Cosmos, qui prenait son rôle très à coeur.

Kâli s'était beaucoup rapprochée de sa belle-soeur, avec qui elle discutait souvent d'Azalée. Elle avait parfois besoin de conseils pour élever cet enfant, être mère était plus difficile que ce qu'elle avait pu imaginer... Heureusement, le sourire de la petite fille valait bien tout ces efforts.

"Elle est tellement mignonne... J'ai parfois l'impression d'être en face de Târâ, quand elle était petite!
-Elle a aussi l'air bien éveillée pour son âge, ça fait plaisir à voir, fit remarquer Lily.
-Oui, je l'ai vu tenter de faire quelques pas l'autre jour, elle arrive à se mettre debout toute seule. Je suis soulagée, je n'aurais pas supporté de voir qu'elle aussi aurait des problèmes d'adaptation..."


Elles passèrent l'après-midi à parler de tout et de rien, assises devant le foyer éteint du feu de la maison. Il faisait bon, et même si Kâli sentait son coeur se serrer à l'évocation de sa soeur défunte, la vie continuait son cours. Elle était heureuse d'avoir Azalée auprès d'elle. La fillette ressemblait beaucoup à sa mère, comme si les esprits n'avaient pas voulu qu'elle disparaisse entièrement de la surface de la terre...

Elle souhaitait en tout cas se consacrer entièrement à sa nièce. Bien sûr, elle devait encore s'occuper des villageois puisqu'elle était toujours la guérisseuse, mais elle avait décidé de passer moins de temps à courir partout. Les habitants du village pouvaient venir d'eux-même à son domicile, cela simplifiait énormément les choses. Quant à sa vie personnelle... Pour elle, il n'y avait rien d'autre qu'Azalée. Trouver quelqu'un pour partager sa vie, aimer à nouveau, il n'en était pas question. Elle refusait tout simplement d'y penser. Ce qu'elle venait de vivre l'avait totalement brisée, et elle se remettait tout doucement de ces horribles événements...

Il était donc impossible pour elle de penser qu'une nouvelle histoire pourrait lui arriver.


Quand Cosmos n'était ni à la maison, ni à l'école, il passait du temps en compagnie de son père. Malgré ses nombreux devoirs de chef, Kairos tenait à partager des moments de complicité avec son fils.

Souvent, ils se rendaient sur la place des fêtes du village, et ils profitaient des diverses installations qu'on pouvait y trouver. Le jeu préféré de Cosmos restait la planche de bois glissante couverte d'eau, et ils leur arrivaient de s'y amuser durant des heures, sans voir le temps défiler.

"Youhouuuu, attention j'arrive! s'exclama le petit garçon en s'élançant sur la piste.
-Tu glisses de plus en plus vite, mon fils! Un jour tu iras tellement vite que je te verrai à peine!
-Je suis le roi de la glisse!"


Kairos s'élança à son tour sur la piste mouillée, et tenta de faire une figure pour impressionner son fils.

"Alors, qu'est-ce que tu en penses?
-Ouah, comment est-ce que tu fais papa!
-Ça vient avec l'expérience! Tu ne crois quand même pas que je reste toute la journée à la maison pour m'occuper du village? Il faut savoir s'amuser de temps en temps.
-Dis, tu m'apprendras?
-Bien sûr! Mais la nuit ne va pas tarder à tomber, il vaudrait mieux qu'on rentre ou maman va se fâcher..."

Il lui fit un clin d'oeil, et Cosmos éclata de rire. Il était heureux de pouvoir passer certains moments avec son père, qui était souvent très occupé avec le village.


Effectivement, il faisait déjà nuit lorsqu'ils arrivèrent à la maison. Lily terminait tout juste de préparer le repas, et ils n'eurent qu'à mettre les pieds sous la table.

Azalée les attendait avec impatience, et lorsqu'on lui tendit son biberon, elle l'attrapa avec vivacité: elle avait faim.

"Il était temps que vous arriviez, fit remarquer Kâli. La pauvre chérie commençait à avoir très faim!
-Il ne fallait pas nous attendre! répondit Kairos.
-Elle grandit, il faut qu'elle apprenne à prendre ses repas en même temps que les nôtres. N'est-ce pas ma chérie, que tu deviens grande?"

La fillette se tourna vers sa tante, et lui adressa un large sourire.


Le lendemain était une journée qui s'annonçait parfaite. Un ciel bleu, une chaleur raisonnable.

"Et si on allait se promener? proposa Kâli."

Cosmos n'avait pas école, et Kairos avait un peu de temps libre, aussi acceptèrent-ils tous de sortir de la maison. Cela faisait tellement longtemps qu'ils ne s'étaient pas montrés tous en famille, que les villageois se retournaient sur leur passager.

Kâli essayait de ne pas y faire attention, et elle protégeait légèrement Azalée de leurs regards. Elle n'avait pas envie qu'on les dévisage de cette façon, et puis... Elle repensait à ce que la villageoise de l'autre jour lui avait demandé, à propos de la fillette. Non, il ne fallait pas... Peu importe ses parents, il n'appartenait qu'à la fillette de partager ce secret de famille. D'ailleurs, elle était encore trop petite pour comprendre de telles choses.


Elle s'installa dans un coin d'herbe avec sa nièce, bien décidée à lui parler de la nature qui l'entourait.

"Regarde, tu as vu comme le ciel est bleu aujourd'hui?
-Ciel?
-Oui, c'est ça! Et cette fleur que tu vois là, poursuivit-elle en cueillant une tige, c'est une azalée...
-Azalée? Moi?
-Oui, tu as le prénom d'une fleur! C'est beau tu ne trouves pas?
-Oui, beau prénom moi!"

Kâli lui sourit, elle était si mignonne dans son apprentissage de la langue, et elle demandait apparemment à en savoir davantage.

"Veux-tu que je t'apprenne le nom d'autres fleurs?"

Azalée acquiesça rapidement, et cueillit à son tour une petite violette qui avait poussé près d'elle.


"C'est une violette. Elle est mauve.
-Violette. Mauve."

Kâli hocha la tête en signe de contentement. Elle retenait très vite ce qu'on lui disait, c'était une bonne chose. On pouvait définitivement écarter la piste d'un retard intellectuel quelconque, ou pire, d'une folie.

"Azalée contente!
-Ah oui?
-Azalée bien aimer dehors. Azalée t'aime, maman...
-Maman...?"

Kâli eut un léger recul en observant le visage adorable de la fillette qui lui tendait ses bras pour réclamer un câlin. Elle était tellement adorable, comment lui résister?

"Oh, je t'aime aussi ma chérie! finit-elle par répondre en la serrant contre elle."


Kairos tourna la tête vers sa soeur. Il n'avait rien contre le fait qu'elle prenne soin de leur nièce, au contraire, même si elle avait perdu ses parents, elle avait besoin d'une famille qui l'aime et qui prenne soin d'elle. Mais... était-ce une raison suffisante pour que Kâli se fasse passer pour sa mère? Si Azalée commençait à l'appeler Maman, elle risquait de ne plus faire la différence entre une mère et une tante. A force de voir Cosmos appeler Lily maman, elle avait du faire des associations, et s'était mis en tête que Kâli était sa véritable mère.

Cela ne lui plaisait pas. On ne pouvait pas la laisser croire ça, surtout que la vérité était toute autre... Les ennuis ne semblaient pas totalement terminés d'après ce qu'il voyait. Il fallait en parler à Kâli, elle devait bien comprendre que ce n'était pas une direction à suivre.

"Kâli, je peux te parler cinq minutes?
-Oui?
-En privé."

La jeune femme confia Azalée à Lily, et elle s'éloigna de quelques pas en compagnie de son frère.


"A quoi est-ce que tu joues? lui demanda-t-il directement.
-Comment ça...?
-Je t'ai entendue Kâli. Tu vas la laisser t'appeler maman?"

La jeune femme se mordit les lèvres. Naturellement, elle savait au fond d'elle que ce n'était pas ce qu'il y avait de plus judicieux, mais...

"Ecoute... Je contrôle la situation d'accord?
-Je ne sais pas. Tu ne peux pas la laisser croire que tu es sa vraie mère. Il faudra bien lui raconter la  vérité un jour, elle ne peut pas grandir sur un mensonge. Je croyais qu'on était d'accord là-dessus.
-Bien sûr qu'on lui dira tout... Mais elle est encore si petite!
-Elle est jeune, mais si tu commences à lui faire croire que tu es sa mère...
-Ce n'est pas du tout mon intention!
-... ce sera d'autant plus douloureux quand tu lui raconteras la vérité."


Kâli soupira. Bien sûr que son frère avait raison... Mais cet enfant, elle était si adorable, elle ressemblait tellement à Târâ, et parfois à Akin...

Kairos lui posa une main sur l'épaule.

"Je sais que c'est difficile pour toi aussi. Tu as perdu ton enfant, et j'imagine que pouvoir élever Azalée te fait un bien fou et est une grande chance pour toi..."

Elle baissa les yeux à ces paroles, un peu mal à l'aise.

"Je veux simplement que tu comprennes bien à quel point la situation pourrait se retourner contre toi, si jamais les choses allaient trop loin. Je ne voudrais pas que ta relation avec Azalée se dégrade, il est indéniable qu'elle t'aime, et elle t'aimera toujours... Que tu sois sa mère ou pas."


Ces paroles résonnèrent longtemps dans la tête de Kâli. Kairos avait raison bien entendu, sur toute la ligne et elle le savait bien. Cependant... La tentation était tellement forte. Quel mal y avait-il à vouloir se faire appeler maman? N'était-ce pas ce qu'elle était pour Azalée, malgré le fait qu'elle ne l'ait pas mise au monde? C'était pourtant elle qui l'élevait, qui prenait soin d'elle depuis sa naissance. Voilà le vrai rôle d'une mère. Ce n'était pas juste enfanter. Qui pouvait lui reprocher son comportement? N'importe quelle mère l'aurait comprise...

Elle termina de laver la vaisselle du soir, et partit la ranger.

Elle allait faire attention. Oui, il n'y avait aucun mal à ce qu'Azalée et elle soient un peu plus proches, il fallait simplement veiller à  ne pas franchir une certaine limite... Et elle y veillerait.


"Alors dis-moi ma chérie, on va bientôt aller se coucher?
-Fatiguée!
-On a eu une très grande journée, c'est normal! Un petit tour sur le pot, et après on met le pyjama et au lit!
-Toi aussi?
-Oui, je suis fatiguée aussi. Bonne nuit ma puce, dors-bien!
-Bonne nuit maman!"

Kâli passa la main dans les cheveux défaits de la fillette, puis elle éteignit la lumière pour plonger la pièce dans le noir. Lorsqu'elle se coucha, elle ne put s'empêcher de se sentir heureuse. Elle aimait tant Azalée, bien plus qu'elle n'avait jamais aimé personne...


"Cosmos, dépêche-toi, tu vas être en retard à l'école! le houspilla Lily en se levant un matin.
-Oui c'est bon, je vais y aller! Je voulais simplement dire bonjour à Azalée!
-Tu la reverras en rentrant de l'école, alors vite!
-Oui, oui, j'y vais..."

Cosmos salua sa tante et sa cousine d'un geste de la main, avant de partir en direction de l'école. Il avait beaucoup grandi, et était devenu un adolescent un peu flegmatique, il n'aimait pas se presser ni être pressé par les autres. Il était jeune, il avait toute la vie devant lui! Alors autant prendre son temps pour profiter des choses qui l'entouraient.

Kâli lui adressa un clin d'oeil. Elle était un peu comme lui, du genre à prendre son temps pour bien faire les choses: c'était pour cette raison qu'il l'adorait.


Lily apporta un bol de céréales ramollies pour la fillette, dont les dents avaient presque terminé leur croissance.

"Et voilà, un bon petit-déjeuner pour la demoiselle!
-Merci tata!
-Régale-toi bien, et sois sage. Je vais faire un peu de ménage en attendant, d'accord?
-Vi! Azalée surveille la maison en attendant!
-Oui, et si quelqu'un arrive, appelle-moi tout de suite, je ne suis pas loin."

Pendant ce premier repas de la journée, Lily profitait en effet du fait que la cadette de la famille soit assise pour laver et ranger les différentes pièces de la maison. Il n'était pas question de se laisser envahir par la saleté, même si Azalée ramenait toujours un peu de terre et de poussière lorsqu'elle jouait à l'extérieur.


Kâli était fière de la voir grandir chaque jour, et surtout de constater qu'elle progressait dans ses différents apprentissages. Elle commençait à parvenir à construire des phrases correctes, et elle savait se faire comprendre. Elle n'était pas loin non plus de savoir utiliser le pot toute seule, et ses petites jambes parvenaient à la soutenir lorsqu'elle se mettait debout.

"C'est bien, bravo! Tu es une petite fille très douée tu sais!
-Azalée douée?
-Oui, ça veut dire que tu apprends vite.
-Est-ce que Cosmos aussi est doué?
-Oh je ne sais plus, ça fait tellement longtemps tu sais... C'est un grand garçon maintenant!
-Cosmos très grand!
-Toi aussi tu seras grande un jour.
-Mais Cosmos est très fort aussi, et très beau!"

La jeune femme éclata de rire, Azalée était décidément une fillette qui lui mettait beaucoup de baume au coeur.


Du coin de l'oeil, Kairos continuait de surveiller la relation de Kâli et Azalée. Il la laissait faire pour l'instant, mais il se disait qu'il n'hésiterait pas à intervenir si les choses allaient trop loin.

"Tu as l'air soucieux? lui fit Lily lors d'un repas en tête à tête.
-Je ne sais pas... Je me pose des questions à propos de Kâli.
-Parce qu'elle laisse Azalée l'appeler maman?
-C'est ça.
-On ne peut pas lui en vouloir tu sais...
-Oui, je sais bien, soupira-t-il. Mais quand même, est-ce que c'est bien pour la petite tout ça? Elle ne va pas savoir quoi penser quand elle saura tout.
-J'imagine qu'on devra bien lui dire, effectivement.
-Est-ce qu'elle ne sera pas en colère contre Kâli? Est-ce qu'elle ne va pas penser qu'elle lui a menti?
-C'est difficile à prédire. Pour le moment, elle pense surtout que maman est un surnom affectueux... Je t'aiderai à garder un oeil sur elles, si tu veux.
-Ça me soulagerait grandement, merci!"


"Je t'aimerais toujours, tu le sais ça?"

Kâli embrassa le front de sa nièce. Ces derniers jours, elle avait l'impression de s'être attachée encore plus à elle. Comment aurait-elle pu croire qu'elle aimerait tant la fille de sa soeur? Elle n'avait pas hésité une seule seconde à la prendre sous son aile, mais de là à croire qu'une relation spéciale allait s'établir entre elles... Elle n'y aurait jamais pensé.

"Moi aussi je t'aimerais toujours!
-On se le promet?
-Veut dire quoi?
-Ça veut dire qu'on devra toujours s'aimer, quoi qu'il arrive!
-Je le promets!"

3 commentaires:

  1. Azalée est vraiment adorable! Tout comme la relation qu'elle a avec Kâli.
    Par contre, je suis d'accord avec Kairos, ce n'est pas vraiment "bien" qu'elle la laisse l'appeler "maman"... Espérons qu'Azalée le prenne bien quand elle apprendra la vérité...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'adore Azalée aussi, espérons qu'elle reste adorable!

      Supprimer
  2. Cette relation est adorable, et j'espère que la petite prendra bien la vérité lorsqu'elle l'apprendra, ça va pas être facile pour une petite fille

    RépondreSupprimer