Episode 110: Laisser-vivre

Comme ils se l'étaient promis, Odin et ses parents continuaient de se voir très souvent. Grâce à un petit gadget que l'on appelait téléphone, ils pouvaient s'appeler très rapidement, et convenir d'un rendez-vous dans la journée même, ce qui était absolument fabuleux. On se promettait alors de se rencontrer dans cinq ou dix minutes à tel ou tel endroit, et il n'y avait plus qu'à sortir pour constater qu'on avait vraiment eu la personne au téléphone.

Par une belle journée lumineuse, comme il y en avait tant, ils se retrouvèrent près de la piscine au centre de l'île, pour se voir malgré la grosse chaleur présent.

''Maman ! Comme vas-tu ?

-Bien, et toi ?

-Bien aussi, même si la préparation du mariage nous prend beaucoup de temps... Est-ce que tout se passe bien, à la maison ?''

Chaque fois qu'ils se voyaient, Odin ne pouvait s'empêcher de faire des allusions à sa sœur, et au fait qu'elle n'était peut-être pas dans un monde idéal pour elle.

Pour Azalée, c'était difficile d'accepter le fait qu'elle ne pouvait pas être heureuse, même sous sa forme animale. Elle la laissait vagabonder sur l'île, surtout à la tombée de la nuit, mais ce n'était pas suffisant, étant donné la petite taille du continent.

''Et bien, des jours ça va, d'autres jours un peu moins... Je...''

Elle hésita un moment, avant de poursuivre.

''J'ai de plus en plus l'impression qu'elle tourne en rond... Tu sais, elle ne sait pas quoi faire, ni où aller, c'est difficile pour elle...

-Bien sûr que ça l'est. Il n'y a pas d'autres animaux par ici, et la civilisation est partout présente... Elle est rarement au calme.

-Je sais que tu as raison Odin, et je sais aussi à quoi tu penses, mais...''

Une fois de plus, elle se tut. C'était tellement difficile de dire ce qu'elle avait sur le cœur, et comme elle avait peur de perdre sa fille pour toujours ! Cette fois, Odin ne la laissa pas rester évasive sur le sujet. Il était d'avis d'agir au plus vite... Ils pouvaient encore promettre un bel avenir à la louve, à condition de s'y prendre assez tôt.

''Maman, je sais que c'est dur, mais... Tu ne crois pas qu'il faudrait faire quelque chose pour elle ?

-Si... murmura-t-elle au bord des larmes.''

Elle serra son fils dans ses bras, si fort qu'il faillit manquer d'air. Mais il comprenait bien sa peine et son chagrin, il savait qu'elle devait souffrir...

''Maman...

-Je sais Odin, je sais... J'ai voulu retarder ce moment le plus possible, je ne voulais pas m'y résoudre, mais quand je la vois affalée sur le sol, elle qui était si pleine de vie... Ça me fend le cœur.

-Alors tu sais ce qu'il nous reste à faire, pas vrai ?

-Comment être sûr qu'il ne lui arrivera rien ? Elle a toujours eu peur de l'eau, tu le sais bien !

-Mais maintenant qu'elle est sous sa forme animale, c'est son instinct qui prime. Elle y arrivera, j'en suis persuadé. Ne t'inquiète pas pour ça.''

Elle sécha ses larmes, et se recula.

''Dans ce cas... Je vais demander à ton père de la ramener. Tu m'excuseras si je ne viens pas, ce serait... trop douloureux pour moi de voir ça.''

Odin acquiesça, et ils se quittèrent. Il attendrait que Joss ne revienne avec Freya dans le parc aquatique qui se trouvait près de leur maison, et de là, ils se dirigeraient ensuite vers la plage la plus proche.

Il respira longuement, en tentant de maîtriser le stress qui grimpait petit à petit en lui. Il ne se serait jamais cru capable de faire une telle chose, il y a quelques semaines encore, il avait refusé d'y croire, et voilà qu'il en devenait totalement partisan.

Mais c'était une chose que de refuser une vérité parce qu'elle nous effrayait, et c'en était une autre de refuser le bonheur à quelqu'un que l'on aimait.

Il attendit dans le parc, et essaya de profiter du paysage, des enfants qui jouaient et de l'air frais qui s'engouffrait dans ses cheveux. Il se plaça légèrement à l'écart de tous ces gens qui profitaient gaiement de la piscine, il n'avait pas envie de se mêler à eux en ce triste jour.

Au bout de quelques minutes, il l'entendit aboyer, et il se retourna : Freya arrivait en trottinant. Leur père lui avait sans doute dit qui ils allaient voir, et elle devait en être toute heureuse. On avait parfois l'impression qu'elle ne comprenait pas ce qu'on lui disait, comme si tout son côté humain avait disparu, et d'autres fois, elle semblait parfaitement capable de capter le sens des mots et des phrases qu'on lui adressait.

Odin leva la main pour leur faire signer et leur montrer qu'il était déjà là.

La bête leva les yeux vers lui, et courut dans sa direction. Son pelage était plus terne que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et il avait aussi l'impression qu'elle avait maigri... Il n'y avait pas de temps à perdre. Ils avaient peut-être même mis trop de temps avant de se décider.

Il s'avança vers eux, et rassembla tout son courage pour expliquer la situation à son père, au cas où Azalée n'aurait pas pu le faire.

Il s'abaissa ensuite à hauteur de l'animal, qui se dressa sur ses pattes arrières. Odin prit cela pour une envie de câlins, et il serra la louve contre lui.

''Alors ma belle, comment tu te sens aujourd'hui ?''

Elle lui répondit d'un jappement bref et sonore.

''Oui, il fait chaud... Ecoute... Je ne sais pas si tu te rappelles très bien de ce jour, où tu m'as dit... où tu m'as dit que la vie sur cette île n'était pas faite pour toi. En tout cas, moi je m'en souviens comme si c'était hier, et... je regrette d'avoir réagi comme je l'ai fait ce jour-là. Je n'ai jamais voulu te blesser, bien au contraire... Mais j'ai été stupide, et pour le coup, c'est moi qui ai été blessé !''

Il désigna sa cicatrice dans un rire.

''Alors voilà... Si tu as toujours envie de partir à l'aventure... Je t'y emmènerai. Tout de suite, si tu es encore décidée.''

La louve pencha légèrement la tête sur le côté, et il comprit qu'elle était d'accord. Alors ils s'en allèrent vers la plage, à l'abri des regards indiscrets qui commençaient à se demander ce qui était en train de se passer. Joss s'en retourna auprès d'Azalée, il préférait que ce départ se fasse dans l'intimité, et il n'y avait selon lui pas de meilleure personne pour y assister que le jumeau de Freya.

Le beau temps n'avait pas bougé d'un pouce, la journée était magnifique. Alors pourquoi se sentait-il aussi triste ? Il avait toujours aimé le soleil, plus encore depuis qu'ils avaient atterri sur cette île... Suvadiva, le paradis de tous, tel était le slogan que les habitants aimaient prononcer devant les étrangers. Il le trouvait un peu mensonger, maintenant que sa sœur s'était trouvée transformée en animal.

Il se tourna vers l'océan, où pas un seul morceau de terre ne semblait pointer le bout de son nez. Il s'accroupit ensuite à hauteur de sa sœur, et il pointa du doigt l'horizon.

''Voilà... Voilà où se trouve ta liberté Freya. Quelque part derrière ces vagues...''

Elle vint près de lui, et regarda dans la direction qu'il lui montrait. De grandes et vastes étendues d'eau, de l'eau partout... Mais elle comprenait ce qu'il voulait lui dire. C'était quelque part là-bas, derrière cette ligne bleue, qu'elle trouverait un endroit salvateur pour mener la vie dont elle avait toujours rêvée.

Odin lui donnait son approbation pour un monde meilleur, et elle comprit qu'elle n'y parviendrait qu'après quelques moments de courage et d'efforts. Mais elle était plus décidée que jamais.

Elle jeta un dernier regard à son frère, peut-être pour lui dire merci, peut-être pour s'assurer de ce qu'il avait voulu lui dire, avant d'entrer dans l'eau. A peine les pattes mouillées, elle se mit à courir aussi vite que possible, jusqu'à ne plus pouvoir toucher le sable, et elle nagea aussi vite que possible.

''Tu n'es donc pas aussi mauvaise nageuse que tu le prétendais... pensa le jeune homme.''

Lorsqu'elle commença à n'être plus qu'un petit point dans l'océan, il détourna la tête.

Il ne la reverrait plus jamais... Il avait vu avec quel bonheur elle avait accueilli cette nouvelle. Elle ne serait jamais partie sans qu'on le lui permette, et se serait laissée dépérir s'il lui avait fallu continuer à vivre ici, parmi tous ces gens.

Et il lui avait permis d'éviter un tel drame. Il aurait du se sentir heureux pour elle, heureux de la voir s'épanouir et vivre une vie à sa hauteur... Non, il n'allait pas la voir. Il ne saurait jamais dans quel endroit elle allait passer le reste de sa vie, il n'aurait plus jamais de ses nouvelles. La rupture était dure, très dure... Il avait toujours pensé qu'ils ne se sépareraient jamais. Ils étaient jumeaux après tout, et un lien très fort s'était créé entre eux.

Mais le destin en avait décidé autrement. Quelque chose qu'ils ne pourraient jamais expliquer, si ce n'est par une vieille malédiction, les avait en fait séparés dès leur naissance, peut-être même bien avant, lors de leur conception. Et le jour où leur chemin se transformait en leurs chemins était arrivé.

Abattu, il retourna chez lui en traînant des pieds, la tête basse.

Maëva ne remarqua pas tout de suite son état, et elle commença à poser son humeur morose sur une mauvaise nuit. Cependant, plus la journée passait, et moins cela semblait s'arranger. Pour le dîner, elle lui avait préparé son plat préféré, un mélange de céréales au lait, parfaitement adapté à son régime végétarien. Mais elle ne réussit même pas à lui arracher un sourire. Elle s'inquiéta, et en vint à se dire que c'était peut-être à cause du mariage qui approchait. A son tour, elle perdit tout appétit.

''Odin... ?

-Mmhm ?

-Qu'est-ce qui... qu'est-ce qui te chagrine ?''

Il reposa ses couverts et repoussa son assiette. Comment lui dire ce qu'il avait sur le cœur, alors qu'elle n'avait jamais rien su de Freya ?

''Tu... Tu ne penses quand même pas à annuler notre mariage ?''

Elle avait dit cela avec une petite voix d'enfant, et Odin sursauta, surpris d'une telle question.

''Non ! Non bien sûr que non, comment peux-tu penser cela ?

-Je ne sais pas, tu as l'air si soucieux... répondit-elle à moitié soulagée.''

''Ce n'est pas... Ce n'est pas du tout à cause de notre mariage, ou à cause de toi Maëva.

-Oh, tant mieux alors.''

Le silence s'installa entre eux. La jeune femme voulait en savoir plus, mais comment faire pour lui faire avouer ce qui pesait sur son cœur ?

''Tu ne veux pas m'en parler ?

-C'est difficile...

-Eh bien essaie. Je suis là, je t'écoute.''

Il se leva, partit regarder par la fenêtre, et quand il se retourna, elle était derrière lui. Elle posa son menton sur son épaule pour l'encourager à parler, et il prit une longue inspiration.

''C'est à cause de ma sœur.

-Elle... Elle est toujours fatiguée ?''

Odin secoua la tête. Cela faisait bien longtemps que la fatigue de Freya n'était plus pour rien dans ses préoccupations.

''Non, ce... ce n'est pas ça. Elle était fatiguée ces derniers temps, oui, mais ce n'est pas pour ça que je m'inquiétais.''

Etait-il vraiment sur le point de lui avouer la vraie nature de sa sœur ? Est-ce qu'elle n'allait pas prendre peur, ou pire, le prendre pour un fou, ne pas le croire... ? Et si elle en venait à rompre leurs vœux de mariage ? L'angoisse le prit à la gorge, et une sueur froide le parcourut. Il était trop tard pour reculer... Même si Maëva n'insistait pas, il savait qu'il ne pourrait plus la regarder en face tant qu'il ne se serait pas confié.

''Freya a toujours eu... une particularité depuis que nous sommes nés.

-Une particularité ? Qu'est-ce que tu entends par là ?''

Odin soupira, il fallait tout reprendre depuis le début, et cela prendrait certainement toute la soirée.

''Allons nous asseoir quelque part... ça risque de prendre du temps de tout t'expliquer.

-D'accord... Viens.''

Elle lui prit la main, et l'emmena vers la chambre, où il se laissa tomber sur le lit. Elle l'allongea, puis grimpa au-dessus de lui, et entreprit de lui caresser les cheveux. Une infinie tendresse se lisait dans son regard, et Odin lui fut reconnaissant d'avoir compris que ce qu'il avait à dire n'était pas facile.

''Vois-tu... Dans le village où est née ma mère, il existe une vieille légende qui raconte que des esprits maléfiques rodent aux alentours de nos maisons, particulièrement à la tombée de la nuit. C'est une vieille histoire que l'on raconte aux enfants, pour qu'ils ne tardent pas à rentrer le soir...''

Maëva hocha la tête pour qu'il poursuive.

''Jusqu'à présent, ma mère a toujours pensé que ce n'était qu'une légende... Tout comme mon père, ils n'y ont jamais cru. Mais il faut croire qu'ils ont eu tort de sous-estimer les histoires de nos ancêtres, parce que le cas de Freya correspond exactement à cette légende.

-Et que racontait cette légende ?''

Il y avait dans sa voix une intonation à la fois curieuse et apeurée.

Il passa les bras autour d'elle, comme pour l'empêcher de fuir une vérité trop longtemps cachée.

''Eh bien... c'est étrange de le raconter à quelqu'un d'autre, mais voilà... la légende raconte qu'un esprit maléfique, autrefois emprisonné dans une jarre, se réveillerait un jour et jetterait une terrible malédiction sur un habitant du village, pour se venger.

-Mais... je croyais que ta sœur et toi n'étiez pas nés dans ton village ?

-C'est vrai, mais... ma mère est tombée enceinte alors qu'elle était encore là-bas. J'imagine donc que ça a dû jouer...''

Il regarda la jeune femme, elle ne semblait pas du tout le prendre pour un fou.

''Tu me crois ?

-Pourquoi ne te croirais-je pas ?

-Les malédictions ne sont pas vraiment rationnelles...

-Certes, mais ce qui est irrationnel ne veut pas forcément dire que cela n'existe pas. Qu'est-il... arrivé ensuite ?''

''Ma mère s'est enfuie du village, alors j'imagine... Que l'esprit maléfique a décidé de s'abattre sur elle. Sauf qu'elle était enceinte, et que ma sœur a dû jouer le rôle de bouclier dans son ventre, et c'est sur elle que le mauvais sort a ricoché. Si je n'avais pas eu de jumelle, je suppose que j'aurais tout pris à sa place. Elle... Depuis toute petite, elle était bruyante et sauvage. Et quand nous avons commencé à grandir...

-Oui ?

-D'abord, elle avait envie de sortir la nuit, tout le temps. Et après, ses oreilles ont pris l'apparence de celles d'un loup, et elle a eu une pilosité très développée... comme tu as pu le constater. Mais... à ce moment-là, nous étions loin de penser que ça se finirait comme ça.

-Que lui est-il arrivé ?

-Elle... Elle s'est totalement transformée.''

Il fallut un moment à Maëva pour interpréter les paroles du jeune homme, et son visage se crispa.

''Tu veux dire... qu'elle est devenue...

-Un loup. Un vrai loup. Son corps humain avait totalement disparu, mais elle était là, elle était bel et bien là, sous une forme animale...''

''Mais...''

La jeune femme était prise au dépourvu. Ce qu'il lui racontait était à peine croyable, mais elle avait pris le parti de lui faire confiance lorsqu'il avait commencé à raconter son histoire, de plus, elle avait toujours remarqué qu'il y avait quelque chose qui clochait chez sa sœur.

''Mais il y a certainement quelque chose à faire, la malédiction doit bien être réversible, non ? Que raconte votre légende ?

-Rien de plus que ce que je t'ai dit... Elle se termine comme ça, la personne frappée de malédiction sera transformée en animal. Rien n'indique qu'il y a une transformation dans l'autre sens qui soit possible.

-Il doit bien y avoir un moyen... Nous pouvons faire des recherches, comment s'appelait ton village ?

-C'est trop tard...''

Ils se redressèrent, et Odin se laissa aller sur l'épaule de sa future épouse. Elle sentit sa gorge se serrer en l'entendant pleurer. Qu'était-il arrivé pour qu'il lui dise qu'il était trop tard ? Où était Freya ?

''Ne dis pas ce genre de chose... Où est-elle ? Où est ta sœur, Odin ?

-Elle est partie.''

Il ravala ses larmes, il n'allait pas pouvoir poursuivre son récit s'il continuait à sangloter. Il devait se montrer fort pour surmonter son chagrin.

''Tout à l'heure, je... je l'ai emmenée près de la plage. Ça faisait des jours qu'elle ne mangeait presque plus, elle n'a jamais supporté la vie près de la plage, alors... Je lui ai ordonné de s'en aller, d'aller trouver une île qui soit meilleure pour elle.''

La boucle se terminait petit à petit dans l'esprit de Maëva. Ainsi donc, Freya les avait laissés ici... Avait-elle volontairement attendu que son frère se soit bien installé, ou n'était-ce qu'une coïncidence ?

''Elle te sera éternellement redevable de ce que tu as fait pour elle, j'en suis certaine, lui fit Maëva.

-Je ne pourrais jamais lui demander... Je ne pourrais plus jamais lui parler non plus, ni la voir, et elle ne sera pas là pour notre mariage, et...''

C'en fut trop pour lui, et il enfouit son visage dans la longue chevelure de la jeune femme, qui se contentait de l'écouter.

C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour lui à présent, l'aider à surmonter cette épreuve. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas entendu parler de légendes, et pourtant, eux aussi avaient leurs propres mythes, mais il s'agissait avant tout des mythes fondateurs de l'île.

Elle regrettait la disparition de la jeune femme à qui elle avait sauvé la vie : elle aurait sincèrement aimé la connaître. Elle lui avait toujours paru être quelqu'un à qui la liberté ne faisait pas peur, et c'était un sentiment qu'elle aurait voulu découvrir. Certes, Odin lui apportait un vent de fraîcheur, mais ce n'était pas la même chose. Avec Freya... Qui sait quelles transgressions elle aurait pu commettre ? Elle frissonna rien que d'y penser. Odin voulait s'intégrer, lui. Mais, peut-être lui permettrait-il d'enfreindre de nouvelles règles amoureuses...

Le soleil s'était couché, et en cette triste soirée, avait coloré le ciel de roses et de violets. Le jeune homme s'en était toujours étonné, et elle lui avait appris que ce phénomène se produisait une à deux fois par semaine, généralement après une journée de très forte chaleur.

Après avoir séché les pleurs sur ses joues rugueuses, Maëva l'envoya prendre un bain. Elle lui fit couler de l'eau chaude, très chaude, pour qu'il puisse se détendre et penser à autre chose. Elle restait silencieuse, et lui aussi : il avait besoin de calme, de profiter du vent dans les feuilles pour se remettre les idées en place. Lorsqu'il glissa dans l'eau, elle versa quelques feuilles aromatiques pour parfumer le bain, puis sortit de la salle de bains, pour le laisser sombrer dans ses pensées.

Elle retourna alors dans la chambre, et se planta devant le miroir. Elle croisa les mains dans son dos, redressa le buste et s'observa longuement.

Odin avait besoin d'une nouvelle femme dans sa vie, et il avait choisi qu'elle serait celle qui l'accompagnerait. Il avait accepté de se marier avec elle selon leurs coutumes, et, généralement, il n'essayait pas de l'embrasser à tout bout de champ comme aurait pu le faire un étranger. Il la respectait, elle et son corps. Il n'était jamais allé trop loin.

Elle se promit alors, qu'un jour, elle lui rendrait la pareille...