31.7.16

Episode 146: Premiers signes de faiblesse


"Bonjour mon ange."

Vitae venait enfin de réaliser l'un de ses rêves les plus chers. Être maman, avoir un enfant. La petite avait les cheveux clairs, et le visage le plus mignon du monde. Elle la prit dans ses bras, et la câlina doucement.

Elle ne se rappelait plus très bien de l'accouchement: elle n'avait pas réussi à savoir qui l'avait été, et comment Félicité était arrivée dans son berceau.

Cet endroit continuait d'être étrange. Elle n'avait aucun souvenir net depuis son arrivée.


C'était toujours flou, peu importe ce à quoi elle essayait de se rattacher. La journée d'hier? Impossible de s'en souvenir correctement.

Ce qu'elle avait mangé pour le repas de midi? Elle ne se rappelait pas non plus.

Il n'y avait plus que le présent qui comptait, c'était tout ce qui lui restait pour s'occuper de sa fille.

Elle la berça près de la fenêtre, de laquelle on pouvait voir les nuages. Elle voulait lui montrer à quel point cet endroit était beau.


Puis le bébé s'endormit, alors elle la reposa dans son lit, et aller s'allonger à son tour.

Depuis l'accouchement, elle se sentait très fatiguée. Malgré de longues nuits, elle récupérait difficilement. Elle se disait qu'il suffisait d'attendre, et que dans quelques jours tout irait mieux.

Elle prit un livre pour lui tenir compagnie. Arwen le lui avait glissé avant qu'elle ne s'en aille. Cela, elle s'en souvenait très bien.

Les premières pages à peine tournées, elle comprit de quoi il s'agissait. Arwen lui racontait tout ce qu'il avait toujours su de l'île.


C'était une lecture lente, qui allait lui prendre beaucoup de temps. Il y avait tant d'informations à avaler...

Le fait que ses grands-parents avaient été éliminés par le gouvernement. Que Julian non plus, n'était pas mort par accident.

Comment on avait modifié la mémoire et la personnalité de son oncle, Neven. Afin qu'il tente d'influencer son frère. Cela n'avait pas marché.

Et le plus assourdissant, comment Emere avait espionné sa famille par vengeance.


Le monde été cruel. En tout cas, le monde dans lequel elle avait grandi. Elle espérait se remettre rapidement sur pieds. Elle voulait partir d'ici.

L'endroit était beau, mais il ne semblait pas y avoir âme qui vive. Elle devait retrouver la civilisation, la vraie. Un monde dans lequel sa fille se sentirait bien.

En attendant de retrouver ses forces, elle continuait de tenir un journal, dans lequel elle notait tout ce qui lui passait par la tête.

Une façon comme une autre de s'occuper.


Parfois, elle sortait faire un tour dehors.

Elle avait toujours entendu dire que l'air marin était bon pour la santé. Alors elle faisait le tour de son château, les pieds dans le sable.

Cela n'avait rien à voir avec les plages de Suvadiva, mais au moins, elle était encore près de la mer.

Arwen et Sera avaient-ils su qu'elle atterrirait ici? L'avaient-ils envoyés délibérément dans cet endroit magique?


Ses promenades ne duraient jamais longtemps, mais à chaque fois qu'elle rentrait, elle se sentait essoufflée. Elle n'arrivait pas à remonter dans la chambre, aussi s'asseyait-elle en face du piano.

A force d'appuyer sur des touches au hasard, elle avait réussi à identifier quelques notes.

Il ne lui restait plus qu'à trouver les bons enchaînements, pour créer une mélodie qui serait digne d'être jouée.

C'était difficile, mais cela l'occupait.


Elle était parfois si fatiguée qu'elle oubliait de s'occuper de Félicité, qui ne manquait jamais une occasion de le lui rappeler.

Si c'était un bébé assez calme, elle pleurait dès qu'on oubliait de la nourrir.

Alors, malgré la fatigue et le manque de souffle, Vitae accourait immédiatement. Il n'y avait rien de plus beau que le sourire d'un bébé, et les larmes qui coulaient sur ses joues étaient la chose la plus triste à ses yeux.

"Excuse-moi, je m'étais assoupie mon ange."


A chaque fois qu'elle la prenait contre elle, Félicité cessait immédiatement de pleurer.

Elle riait, gazouillait, comme si ses malheurs avaient disparu tout d'un coup.

"Tu es si mignonne toi... Maman te le promet, dès qu'elle ira mieux, nous partirons dans une vraie maison."

Elle l'embrassa, puis l'allaita. Une chance qu'elle ait suffisamment de lait pour la nourrir.


Ensuite, elle la reposa dans son berceau, qui se situait dans la pièce à côté de sa chambre, puis s'allongea sur son propre lit.

Elle était encore fatiguée, et se sentait le besoin d'une sieste.

Elle ferma les yeux, et s'endormit rapidement. Mais elle était loin de faire de jolis rêves, cela faisait plusieurs nuits de suite qu'elle n'avait plus ni rêves, ni cauchemars: seulement un grand vide dans sa tête.

Elle trouvait cela étrange, parce qu'elle avait toujours beaucoup rêvé auparavant.


Elle aimait aussi se baigner un peu dans la mer. Cela lui rappelait l'océan de Suvadiva. Elle avait eu tant de moments de sa vie au bord de la mer!

Elle ne pourrait jamais vivre dans un endroit où il n'y avait pas la mer.

L'eau salé pouvait soulager bien des soucis, et elle en profitait.


Grâce à des vieux livres de recettes et son don naturel, elle parvenait à faire quelques repas potables. Contrairement à Arwen, elle n'avait jamais tenté de cuisiner auparavant.

C'était facile d'appuyer sur un bouton, et d'avoir un plat synthétisé immédiatement.

Ça l'était beaucoup moins de se donner du mal pour avoir quelque chose d'assez bon pour vous remplir l'estomac.


Quand elle avait terminé de faire à manger, de s'occuper de Félicité, et qu'elle avait fait quelques siestes, il lui restait encore un peu de temps libre.

Elle en profitait donc pour faire un peu de ménage, et s'assurer que sa nouvelle demeure était en parfait état.

Elle ne s'attendait pas à ce qu'un beau jour, quelqu'un vienne lui rendre visite, mais c'était toujours plus agréable de vivre dans un endroit propre.


Parfois, elle s'asseyait sur une chaise qu'elle avait placée près de la fenêtre, et elle contemplait le paysage. Il n'y avait rien de plus beau que l'océan.

Cependant, ce qui était encore plus beau, c'était quand on pouvait le comparer au littoral. Ici, il n'y en avait pas. Seulement l'océan à perte de vue.

Elle avait tellement hâte de pouvoir s'en aller de poursuivre sa route. Quand réussirait-elle à reprendre assez de forces pour cela?


De temps à autre, des bulles sortait d'un trou dans le mur, et se baladaient à l'intérieur de la maison. Vitae n'avait jamais rien vu d'aussi joli.

Même si la demeure n'avait rien de futuriste, elle aimait l'ambiance et l'atmosphère qui s'en dégageait.

C'était simple et chargé à la fois, doux mais pas trop niais.

On s'y sentait bien, si bien que trouver des repères dans le temps devenait plus difficile au fur et à mesure qu'on y restait.


Il pouvait arriver à la jeune femme de commencer le ménage en début d'après-midi, et de ne terminer que lorsqu'il était l'heure du dîner. Et pourtant, elle n'avait pas fait grand-chose: seulement réparer un robinet, et astiquer l'évier.

Elle était persuadée que seule une heure avait pu s'écouler, mais le soleil ne mentait jamais.

Dès lors qu'il basculait de l'autre côté de l'horizon, c'était que la nuit commençait.


Les siestes de Vitae devenaient de plus en plus fréquentes. Elle ne savait pas pourquoi, et sans doute ne le saurait-elle jamais.

Parce que Mermaidia était en endroit des plus secrets, mais que, surtout, il se trouvait à des kilomètres de Suvadiva.

Vitae était née hors de l'espace-temps, dans un futur apocalyptique, comment aurait-elle pu avoir une santé de fer dans un endroit qui n'avait rien à voir avec Suvadiva...?


Parce que Suvadiva avait toujours été dans une autre dimension. Ce n'était pas un hasard si peu de gens y atterrissaient, et si on ne pouvait pas s'en échapper si facilement.

Seul Mermaidia faisait office d'intermédiaire entre l'île et le monde réel. Encore fallait-il connaître son existence, bien cachée au sein d'un vieux livre, lui-même caché tout au fond d'une étagère à laquelle plus personne ne prêtait attention.

Plus personne, sauf Arwen, qui avait consulté tous les livres disponibles.


Le château était pourvu d'une tour immense, et la jeune maman grimpait parfois là-dedans.

Il y avait tout un tas d'objets étranges, tels que des chaudrons, des fioles fumantes, un vieux grimoire indéchiffrable, et un cadran lunaire.

Elle ne comprenait rien à tout cela, mais elle aimait les admirer.

Parce que c'était la seule chose qu'elle pouvait faire sans se fatiguer plus que de raison.

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