10.8.16

Episode 151: Clap final


Quand Vitae se leva ce matin-là, elle savait que ce serait sa dernière journée. Quelque chose n'arrêtait pas de le lui dire à son oreille, comme un rêve en pleine nuit.

Lorsqu'elle se leva pour s'habiller, ses jambes ne purent supporter son poids, et elle s'écroula à terre. Elle voulut se relever, mais en fut incapable. C'est là qu'elle comprit tout.

Comment Clémence s'était retrouvée en pleine tempête, comment elle avait failli se noyer et comment elle avait finalement atterri sur une plage déserte, complètement amnésique.


Félicité l'avait entendue tomber, et elle se précipita auprès d'elle, folle d'inquiétude.

"Maman, maman!"

Elle s'assura qu'elle n'avait rien de cassé, puis l'aida à se rallonger dans le lit.

"Maman, tu ne dois plus essayer de te lever seule, je te l'ai déjà dit."


Elle replaça correctement ses oreillers, et vérifia sa tension et son pouls.

"Je dois te parler ma chérie, lui fit Vitae tout bas.
-Si c'est pour me dire de partir, je t'ai déjà que non..."

Mais Vitae, faible, secoua la tête, avant de lui faire part de sa découverte.


"Et donc, tu penses que... que c'est pour ça que toute cette histoire est arrivée à notre famille?
-C'est la dernière pièce du puzzle, j'en suis sûre..."

Félicité lui sourit légèrement.

"De toute façon, ça ne nous avance pas..."


Elle se leva, et lui demanda de rester bien sagement au lit, pendant qu'elle allait lui chercher un verre d'eau.

Vitae l'embrassa tendrement, avant de la regarder sortir de la pièce.

Quelle adorable fille elle avait été.


Elle ne s'était jamais plainte, pas une seule fois.

Elle avait toujours accepté de s'occuper de la maison, et de prendre soin de sa pauvre mère malade.

Vitae comprenait à présent. Si elle était partie de Suvadiva pour trouver une certaine liberté, elle n'était pas capable de l'assumer. Elle avait besoin de l'énergie de son île pour survivre, et ici, elle en était trop éloignée.


Elle se leva péniblement. Avant de mourir, elle avait envie de voir  une dernière fois la mer.

Elle avait vécu toute sa vie auprès d'elle. Il était normal de quitter ce monde avec le son des vagues en arrière-plan.

Le soleil commençait à peine à se lever. C'était magnifique.


Pendant ce temps, Félicité préparait une boisson et quelque chose à manger pour sa mère. Elle avait besoin de reprendre des forces, et un repas ne serait pas de trop.

Elle fit semblant de ne pas remarquer que ses mains tremblaient.

Elle ne voulait pas voir à quel point elle avait peur pour sa mère, combien elle craignait pour sa vie.


Les premiers rayons du soleil avaient franchi la ligne d'horizon, et ils se reflétaient dans les yeux de  Vitae.

Elle se sentait sereine, alors qu'il s'agissait de la dernière heure de sa vie.

Elle comprenait pourquoi ses parents l'avaient envoyée ici. Pour s'assurer que son propre enfant serait apte à poursuivre le voyage. Ils avaient sauvé Félicité avant même sa naissance: comme elle était née loin de Suvadiva, elle n'en était absolument pas dépendante.


Vitae sentit ses dernières forces la quitter, et tomba à genoux. Oui, elle aurait aimé continuer à vivre.

Elle aurait voulu voir sa fille grandir, peut-être même se marier si elle réussissait à retrouver leur monde d'origine.

Mais avec les années, elle s'était fait une raison. C'était déjà une grande chance d'avoir vécu jusque là.


Félicité entendit à nouveau un bruit sourd, alors qu'elle montait à l'étage.

Elle posé précipitamment son plateau au sol, et accourut vers la chambre.

Voyant que sa mère n'y était pas, elle l'appela, puis alla vers le balcon qui était ouvert.


Et elle la vit. Là. Allongée par terre. Immobile.

La jeune fille se précipita vers sa mère, mais le corps étendu ne répondait pas. Elle sentit une vague de larmes lui monter au visage, et tenta par tous les moyens de la réveiller.

"Maman! maman réveille-toi!"


Mais rien n'y faisait. Il était trop tard, parce que Vitae avait déjà rejoint les anges.

Agenouillée devant elle, Félicité sentait son coeur se tordre dans tous les sens. Sa plus grande peur s'était réalisée, et il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour revenir en arrière.

Elle était seule à présent.


Il lui fallut longtemps avant de reprendre ses esprits. Ce qui était arrivé était inévitable.

Elle avait simplement refusé de se l'avouer jusqu'à présent, mais elle avait toujours su que sa mère partirait avant l'heure...

Elle essaya de retenir ses larmes. Pleurer ne servait à rien.


Elle transporta le corps de sa mère jusque dans son lit. A sa grande surprise, ce ne fut pas si difficile. Elle avait perdu beaucoup de poids durant sa maladie.

Elle ne voulait pas qu'elle là, étendue dehors, à la merci de n'importe quoi.

Puis, elle lui adressa un dernier câlin, une dernière prière, et referma la porte derrière elle.


Les heures qui suivirent furent longues. Elle erra longtemps dans le château, sans savoir quoi faire.

Elle monta en haut de la tour, effleura les livres du doigts. Ces livres qui avaient refusé de l'aider.

Elle sentit tout à coup une aversion pour cet endroit monter en elle. Elle détestait Mermaidia.


C'était dans cet endroit qu'elles étaient sensées trouver le bonheur. Elles auraient du partir ensemble, à la recherche de leur vraie maison.

Et à la place de ça, Vitae s'était laissée emporter loin de la vie et de leurs rêves.

Pleine de rage, l'adolescente essuya de nouvelles larmes.


Sa décision était prise. Elle allait partir d'ici, et il n'était pas question d'attendre plus longtemps.

Elle regarda autour d'elle, haussa les épaules. Rien ne lui appartenait ici. Rien n'avait jamais vraiment été à elle.

Il n'y avait eu que sa mère, et elle n'était plus là.


Elle sortit, et marcha jusqu'à la petite barque rouge qu'elle connaissait si bien.

Elle sauta dedans, s'installa et vérifia que les rames étaient en bon état.

Il était temps de partir. De trouver la terre promise dont on lui avait si souvent parlé.


2 commentaires:

  1. Ça y est, on arrive à la fin, et je dois avouer que j'ai hâte de voir ça (et en même temps j'ai pas envie, que vais-je lire après ? ;_; )
    Pauvre Vitae... Mais finalement, elle a tenu plus de temps que je ne l'aurais pensé... Il est temps pour Félicité de découvrir le monde à présent o/

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    1. Il y aura d'autres choses à lire ne t'en fais pas!
      Vitae est forte, elle a résisté tout ce temps pour que sa fille puisse grandir avec sa mère! Mais oui, en avant pour le monde! Il n'a que des bonnes choses à lui apporter!

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